Le « vrai du faux » sur les lentilles du Marais poitevin !

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Communication

Fausses infos et idées reçues relayées sur les écrans…

Le Parc naturel régional vous aide à démêler le vrai du faux sur les lentilles du Marais poitevin.

« Où sont passées les lentilles vertes ? […] Des militants locaux mènent l’enquête et nous avons demandé des comptes au Parc Naturel régional censé les protéger ».

Il s’agit d’un extrait du communiqué de presse de France TV annonçant l’émission « Sur le Front » (diffusée lundi 13 mars 2023 sur France 5), portée par le journaliste Hugo Clément, semblant vouloir mettre en cause l’inefficience des Parcs dans la protection de leur environnement. Le journaliste aborde la question des lentilles, qui auraient disparu du Marais poitevin, ce qui constituerait un problème écologique.

Fausses infos et idées reçues relayées sur les écrans… nous vous aidons aidons à démêler le vrai le du faux, en quelques points étayés.

Les lentilles n’ont pas disparu du Marais poitevin.

En réalité, les lentilles – il en existe plusieurs espèces – sont toujours présentes dans le Marais poitevin. Mais leur population, en nombre et en espèces, a évolué ces dernières années, avec, il est vrai, une forte diminution des volumes présents depuis le milieu des années 2000.

Elles ont longtemps été l’objet d’un programme d’enlèvement sur les voies navigables dans les zones où elles s’accumulaient en excès (ports, barrages, bras morts…). Jusqu’en 2007, l’Institution Interdépartementale du Bassin de la Sèvre Niortaise (IIBSN) a récolté, certaines années, plus de 3 000 tonnes de lentilles.

Alors, les lentilles étaient vécues comme un problème pour la circulation des bateaux, pour les milieux aquatiques, pour les usagers… Elles provoquaient l’asphyxie des voies d’eau. On constatait la disparition des autres espèces végétales aquatiques, des mortalités régulières de poissons…

Depuis cette période, les lentilles sont certes moins présentes sur les voies d’eau principales, mais on les retrouve sur la plupart des canaux et des fossés.

La disparition des lentilles, une catastrophe écologique ?

Non, les lentilles ne constituent pas un enjeu écologique pour le Marais poitevin. Le réseau hydraulique du Marais poitevin est classé dans l’habitat communautaire « Eaux douces eutrophes ». Cette nomenclature regroupe plusieurs habitats composés de différentes espèces végétales (lentille, Potamot, etc.).

L’habitat de lentille est un groupement ou une association végétale qui peut être composée de plusieurs espèces (5 présentes dans le Marais poitevin) mais aucune n’est protégée en France, et en préoccupation mineure dans la liste rouge de la flore vasculaire française.

La présence des lentilles est plutôt indicatrice de milieux dégradés, c’est-à-dire de milieu où les eaux sont stagnantes, de faibles profondeurs, avec l’absence de courant, chargés en nitrates ou en phosphate…

Leur développement excessif n’est pas signe d’un milieu en bon état écologique. Il est généralement lié à l’apport de nutriments typiques des zones à forts apports par l’agriculture ou en aval de zones fortement peuplées, pour lesquelles les stations d’épuration ne seraient pas suffisamment efficaces.

La concentration de ces nutriments associée à l’absence de renouvellement de l’eau favorisent le développement des lentilles.

Alors, comment expliquer la diminution des populations de lentilles à partir des années 2006-2007 ?

Si la lentille est moins présente dans certains secteurs du Marais, c’est que le milieu ne lui offre plus les conditions d’accueil et de développement dont elle a besoin pour proliférer. Les caractéristiques des milieux dans lesquels elles proliféraient ont donc évolué.


Qu’est ce qui a changé dans le Marais, qui pourrait expliquerait le phénomène ?


L’impact des herbicides ?

On entend que le milieu se serait dégradé ces dernières années, que la qualité de l’eau serait impactée par le lessivage d’herbicides, notamment d’origine agricole, qui impacterait les espèces végétales aquatiques.

Mais rien n’indique que l’apport d’herbicides est plus conséquent aujourd’hui qu’il y a une quinzaine d’années. Au contraire, depuis cette période, la réglementation en interdit l’usage par les collectivités ainsi que la vente aux particuliers. Et rien n’indique que l’usage d’herbicides ait augmenté dans l’agriculture.

D’autant qu’il semble que l’on retrouve les lentilles dans des secteurs cultivés du Marais poitevin, qui apparaissent comme les plus impactés par l’agriculture, par exemple dans les marais desséchés… et qu’elles ont particulièrement reculé dans des parties exemptes d’herbicide. Si les herbicides peuvent impacter les lentilles, il semble bien difficile de leur faire porter la responsabilité de la diminution de leur population.

La diminution des nutriments ?

Les apports de nutriments anthropiques ont diminué. En effet, il est probable que les politiques de traitement des eaux usées, qui ont été fortement mises en œuvre ces dernières décennies, portent leur fruit. C’est, par exemple, ce que l’on constate sur la partie deux-sévrienne du Marais, secteur particulièrement concerné par le recul des lentilles. Ces dernières années, des efforts conséquents ont été conduits. La nouvelle station d’épuration de Goilard, mise en service en 2006, traite l’ensemble des eaux de la ville de Niort, avant qu’elles ne soient rejetées dans le Marais. Un important travail d’inventaire et d’amélioration des systèmes de traitement individuel a été réalisé. Nul doute que ces actions se traduisent par une diminution des rejets de nutriments dans le milieu naturel. Ce qui est moins favorable à la prolifération des lentilles.

Quant aux nutriments en provenance de l’activité agricole, sans que nous ne disposions de données précises sur les volumes d’engrais épandus, il semble que, dans les secteurs concernés par le recul des lentilles, il n’en soit que très peu utilisé. Et probablement moins aujourd’hui qu’il y a quelques années, du fait des politiques agri-environnementales, du recul des cultures ou de l’extensification de l’exploitation.


Les effets des politiques sur la ressource en eau ?

Les lentilles se développent sur des eaux stagnantes où les plantes « mère » vont se démultiplier jusqu’à occuper la totalité des surfaces en eau qu’elles occupent.

Jusque dans les années 2000, le Marais souffrait d’un défaut d’alimentation estivale lié principalement aux conditions météorologiques saisonnières mais également à l’effet des prélèvements dans les nappes et les rivières à destination de l’irrigation agricole ou de l’alimentation humaine.

L’abaissement des niveaux ou l’absence de courant de surface étaient alors favorables à la prolifération des lentilles.

Désormais, la partie amont du Marais profite du soutien d’étiage du barrage de la Touche Poupard, qui garantit un niveau constant et un débit permanent. Même au cours de l’été 2022, pourtant vécu comme une sécheresse particulièrement marquée, un débit positif a été maintenu sur l’ensemble de la période.

L’effet des conditions météorologiques ?

Les lentilles profitent de l’ensoleillement, de la chaleur et de l’absence de courant pour se développer. Leur présence est corrélée avec des conditions météo qui lui sont favorables, les années où les étés secs et chauds. A l’inverse, les années où les étés sont plus frais et pluvieux, ne lui sont pas favorables.

Il semble que les conditions météo aient été moins favorables aux lentilles à partir de 2007, et cela pendant quelques années, avec des pluviométries régulièrement supérieures aux moyennes de saison et des températures moins excessives en périodes estivales. En 2022, « le retour » des lentilles, dans de nombreux endroits du Marais, pourrait être lié aux conditions de chaleur et d’ensoleillement.

L’évolution du paysage ?

La lentille prolifère dans les milieux ouverts, ensoleillés. Il est certain qu’on la retrouve moins dans les parties les plus boisées, où le milieu s’est progressivement refermé ces dernières années. C’est donc une explication plausible de son retrait dans certains secteurs.

L’excès ou le défaut d’entretien des fossés ?

L’entretien des fossés n’est plus assuré de manière régulière. Alors que certaines voies d’eau ne sont plus entretenues, qu’elles se comblent progressivement, d’autres sont systématiquement désenvasées. Réalisés avec des moyens mécaniques, ces travaux ont des effets plus « brutaux » sur les milieux aquatiques. Alors que les lentilles ont besoin de fonds vaseux non perturbés pour effectuer leur cycle biologique, les méthodes et les programmes de restauration des voies d’eau leur sont probablement défavorables.


L’Impact de l’évolution d’autres espèces du milieu aquatique ?


La présence des écrevisses de Louisiane ?

Les populations d’écrevisses de Louisiane sont apparues et ont « explosé » en même temps que le recul des lentilles, au début des années 2000. Ces écrevisses fouissent le fond des fossés en permanence. Ce qui pourrait rendre les fonds impropres à l’accueil de lentilles. Elles sont responsabilisées par les spécialistes des milieux aquatiques de la dégradation de nombreux milieux ou espèces associées.

Le recul des herbiers aquatiques ?

Les herbiers de plantes aquatiques (cératophylles, jussie…) retenaient les lentilles. Leur recul peut être considéré comme un acteur de la diminution des populations de lentilles, ainsi portées par le courant.

 

En conclusion

  • Les lentilles sont toujours présentes dans le Marais poitevin, mais dans des proportions moindres que dans les années 90 – 2000, période à laquelle les situations excessives ont marqué la population et impacté négativement les usages et les milieux aquatiques (anoxies, relargage de nitrites, mortalité de poissons, nuisances olfactives, entrave à la navigation…).
  • L’évolution des populations de lentilles est multifactorielle. La présence de nutriment dans l’eau, d’herbicides, l’évolution du paysage, l’alimentation en eau du Marais, les conditions météorologiques, l’effet d’espèces exotiques envahissantes, les modalités d’entretien… sont autant de facteurs qui interviennent sur le cycle biologique des lentilles.
  • Enfin, les lentilles ne constituent pas un enjeu écologique pour le Marais poitevin.

Clin d’œil bonus

La « Venise verte » tient son nom de la présence de lentilles vertes ? FAUX
En réalité, ce terme est apparu sous la plume d’Henri Clouzot, au début du vingtième siècle. Il fait écho à l’ensemble de la palette végétale du Marais poitevin, et en particulier la voûte arborée au dessus des canaux, composée d’alignements d’arbres taillés en têtards et de peupliers. Ce paysage pittoresque a été classé par l’État sur 18 620 hectares, pour trois éléments : les voies d’eau, les alignements d »arbres et les prairies naturelles. La lentille ne constitue pas un motif du classement et n’est pas un élément patrimonial.

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